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Sonu
3 janvier 2017

L'orgueil à tous les étages

Il n'y a pas que l'orgueil des grands, il y a aussi l'orgueil des petits, cette morgue d'en bas qui est le digne pendant de celle d'en haut. La racine de ces deux orgueils est identique. L'homme qui dit: la loi c'est moi, n'est pas seulement cet être altier, impérieux, qui provoque l'insurrection par sa seule attitude; c'est encore ce subalterne dont la mauvaise tête ne veut admettre qu'il y ait quelque chose au-dessus d'elle. Il y a positivement une quantité de gens que toute supériorité irrite. Pour eux, tout avis est une offense; toute critique, une imposture; tout ordre, un attentat à leur liberté. Ils ne sauraient souffrir de règle. Respecter quelque chose ou quelqu'un leur semble une aberration mentale. Ils nous disent à leur manière: hors nous il n'y a de place pour personne. De la famille des orgueilleux, sont aussi tous ceux, intraitables et susceptibles à l'excès qui, dans les conditions humbles, trouvent que leurs supérieurs ne leur font jamais assez d'honneur; que le meilleur et le plus humain ne parvient pas à contenter et qui remplissent leur devoir avec des airs de victimes. Au fond de ces esprits chagrins, il y a trop d'amour-propre mal placé. Ils ne savent pas tenir leur poste simplement et compliquent leur vie et celle de autres par des exigences ridicules et d'injustes arrière-pensées. Quand on se donne la peine d'étudier les hommes de près, on est surpris de constater que l'orgueil ait tant de retraites parmi ceux qu'il est convenu d'appeler les humbles. Telle est la puissance de ce vice, qu'il parvient à former autour de ceux qui vivent dans les conditions les plus modestes, une épaisse muraille qui les isole de leur prochain. Ils sont là, retranchés, barricadés dans leurs ambitions et leurs dédains, aussi inabordables que les puissants de la terre derrière leurs préjugés aristocratiques. Obscur ou illustre, l'orgueil se drape dans sa royauté sombre d'ennemi du genre humain. Il est le même dans la misère et dans les grandeurs, impuissant et solitaire, se méfiant de tous, compliquant tout. Et jamais on ne pourra répéter assez que s'il y a entre les classes différentes tant de haine et d'hostilité, c'est moins aux fatalités extérieures que nous le devons, qu'à la fatalité intérieure. L'antagonisme des intérêts et le contraste des situations creusent des fossés entre nous, personne ne peut le nier; mais l'orgueil transforme ces fossés en abîmes, et au fond c'est lui seul qui crie d'une rive à l'autre: il n'y a rien de commun entre vous et nous.

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